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Interview de Samantha Davies

Avaries, navigation, vie à bord, motivations, inquiétudes… Sam Davies nous explique son métier de navigatrice.

Interview de Samantha Davies, skipper d’Initiatives-Cœur

Est-ce que skipper c’est votre métier ? 
Skipper c’est mon vrai métier

A quel âge êtes-vous montée pour la 1ère fois sur un bateau ?
Bébé. J’ai fait mes premiers pas sur le voilier de mes parents.

A quel âge avez-vous fait votre 1ère course ?
J’ai fait ma première course à 15 ans.

Avez-vous déjà gagné une course à la voile ?
Oui et la dernière que j’ai gagnée est la DRHeam Cup 2018 (voir mon palmarés complet ici)

Quelle est la catégorie de votre bateau ? imoca. Ce sont des bateaux de 60 pieds c’est à dire 18 mètres de long (voir toutes les infos sur mon bateau ici )

Pourquoi faites-vous le Vendée Globe?
Je me suis lancé 3 fois dans ce tour du monde à la voile. La première fois, en 2008, je suis arrivée 4ème, la 2ème fois  (en 2012) j’ai dû abandonner à cause d’une avarie de mât et la 3ème fois, en 2020 j’ai fini hors course à cause d’une avarie aussi.  Je suis vraiment contente de faire cette course parce que c’est la plus grande course au large. Une course mythique unique au monde. On affronte les océans les plus dangereux en solitaire et sans assistance.

Qu’est-ce que gagne le 1er ou la 1ère ?
Contrairement à d’autres sports, le montant de la prime au vainqueur n’est pas très élevée.
Par exemple le vainqueur du Vendée Globe a reçu 160 000 € en 2016 pour 2 mois passé en mer avec les risques que l’on connait et 4 années de préparation pour faire cette course.
Bien loin de sommes empochées par les joueurs de football , des 500 000€ pour le vainqueur du Tour de France ou encore des 2 millions d’euros pour le vainqueur de Roland Garros.
Il faut trouver sa motivation ailleurs. Pour ma part, je fais cette course parce que j’aime la compétition de voile et pour défendre une cause humanitaire.

Est-ce que vous faites partie des favoris ?
Il y a des bateaux plus récents que le mien donc plus rapides. Mais en 2022 nous avons construit un nouveau bateau avec de grands foils (ailes de chaque côté de la coque) qui le rendent plus performant qu’avant. Et je me suis beaucoup entrainée donc j’ai des chances de bien figurer au classement final. Si je suis suis dans le TOP 10 je serai fière de moi.

Pourquoi le Vendée Globe est-il une course dangereuse ?
Cette course est dangereuse parce que c’est une course en solitaire. On est tout seul à bord de bateaux très puissants pendant de longues semaines. Parfois on est si loin des continents que les hommes les plus proches de nous sont les astronautes de la Station spatiale internationale.

 

Navigation

 

Quelle route allez-vous prendre ?
La route la plus rapide ! On n’établit pas de route longtemps à l’avance. On tient compte de la météo et des vents avant de partir. (video du parcours ici)

Comment faites-vous pour vous repérer sur la course ?
J’utilise un GPS et des cartes électroniques sur des logiciels de navigation prévus spécialement pour la course au large. Ça m’aide à calculer la route optimale avec les informations sur le vent. (voir les explications de Jamy sur ce sujet )

Comment faites-vous pour naviguer la nuit ?
J’ai un pilote automatique ce n’est pas toujours moi qui tiens la barre. Je n’arrête pas le bateau pour dormir. La nuit, on a des lumières (comme les avions) pour naviguer et être vus.

Comment faites-vous pour éviter les autres bateaux ?
On utilise les radars et autres systèmes anti-collision.
Pour comprendre comment comment ces appareils fonctionnent, regardez les vidéos de Jamy notamment «comment on se repère en mer»

Est-ce que vous pouvez téléphoner ?
Oui je peux téléphoner grâce au satellite.

Comment faites-vous pour aller plus vite ?
Je fais très attention à régler mes voiles en fonction du vent, je surveille les fichiers météo que nous recevons à bord chaque jour et je change les voiles en fonction des vents. Parfois, la vitesse de mon bateau rend la vie à bord très inconfortable.

Comment faites-vous pour doubler un bateau qui a le même vent que vous ?
Je joue sur les combinaisons de voiles et sur la trajectoire de mon bateau. Nous emportons 8 voiles à bord et la tactique fait partie de notre métier de skipper. Le meilleur tacticien est celui qui saura choisir la meilleure trajectoire et la combinaison de voiles la plus efficace en fonction du vent. C’est cela qui lui permettra d’aller plus vite et de doubler un concurrent.

Comment faites-vous pour tout maitriser sur le bateau ?
BEAUCOUP d’entrainement, je répète les manœuvres, je travaille avec les experts pour apprendre les réglages, pour dessiner les meilleures voiles. Je m’investit aussi énormément avec mon équipe technique pour essayer de connaitre mon bateau à 100%. Il faut aussi être en forme physiquement pour pouvoir manœuvrer et supporter l’intensité de la vie sur ce bateau qui est assez rude. Il faut être endurant pour tenir et être en forme pour toute la durée de la course.

Quand faites-vous des pauses ?
Quand je me sens fatiguée, je fais une pause. C’est important d’écouter son corps sinon on risque de faire des bêtises. Mais je me repose souvent par tranche de 10 mn seulement.

Combien de mètres mesure votre grande voile ?
Elle mesure 160m2.

En quoi est fait le bateau ?
Le bateau est fait en matériaux composites et carbone. Dans certaines zones on a utilisé une sorte de mousse (appelée Nomex) pour être plus léger.

 

En cas d’avaries…

 

Que faites-vous en cas d’accident, si le bateau coule ?
J’ai un radeau de survie. Mais le bateau a plusieurs cloisons étanches pour éviter de couler. Si j’ai un endroit avec un trou ou une fuite d’eau, je peux isoler la zone pour me protéger et protéger mon bateau.

Que faites-vous si le bateau prend un choc ?
Si il y a une avarie sur mon bateau, j’essaie de réparer. J’ai des outils à bord et des kits de réparation prévus pour cela.

Si vous tombez à l’eau que se passe-t-il ?
Je m’attache toujours avec mon harnais de sécurité pour éviter de tomber à l’eau. Dans le pire des cas, j’ai un gilet de sauvetage et une balise de détresse. Je déclenche ma balise ARGOS pour être repérée.

De quelles situations avez-vous peur ?
Ce que je crains le plus c’est qu’un feu se déclare à bord ou bien de me blesser.

Quelle est la plus grosse vague que vous avez vue ?
J’essaie d’éviter de croiser les énormes vagues dangereuses car elles peuvent briser mon bateau. (grâce à mon logiciels de prévisions de vagues). Le plus grosse que j’ai rencontrée faisait 7 mètres.

Comment faites-vous pour préparer votre bateau ?
J’ai une équipe technique qui travaille pour préparer le bateau. Pendant l’hiver, on sort le bateau de l’eau pour le réviser, réparer ce qui a été abîmé lors de la précédente course et faire des travaux pour le rendre plus rapide encore (exemple : changement de foils).
Tout au long de l’année, l’équipe entretient le bateau, le prépare et nous naviguons ensemble pendant mes entrainements pour valider les améliorations apportées et confirmer qu’il est prêt pour que je puisse partir toute seule.

Pendant combien de temps vous préparez-vous pour faire le Vendée Globe ?
Nous nous préparons depuis 4 ans car c’est la course la plus importante du programme.  Pendant l’année, je navigue beaucoup et je fais des stages de voile avec d’autres Imocas concurrents pour m’entrainer .

 

La vie à bord

Comment faites-vous pour apporter à manger ?
J’emporte des plats lyophilisées (pour limiter le poids de nourriture embarquée), mais aussi des fruits secs, des barres de céréales et des produits énergétiques.

Comment mangez-vous ?
J’ai un petit réchaud de camping (comme les alpinistes ou randonneurs) qui est fixé dans le bateau pour rester à l’horizontal même lorsque le bateau est penché. (voir cette video sur la façon de se nourrir pendant les courses)

Est-ce que vous mangez froid ?
Pas toujours… je mange des plats chauds au moins 2 fois par jour. Quand il fait très chaud je mange froid dans la journée.

Comment faites-vous pour avoir de l’eau potable ? Comment faites-vous quand vous n’avez plus d’eau potable ?
J’ai une dessalinisateur qui enlève le sel de l’eau de mer. L’eau passe à travers une membrane sous pression (voir le schéma du dessalinisateur en action).

Comment faites-vous pour vous nourrir et vous hydrater ?
J’emporte toute la nourriture dont j’ai besoin pour environ 15 jours de course. Parce qu’en route personne ne peut me ravitailler. C’est interdit par le règlement de course. J’ai quelques fruits en début de course ensuite je mange essentiellement des plats lyophilisés que je réchauffe en versant de l’eau chaude dessus.J’ai un réchaud à gaz sur mon bateau. Pour l’eau, j’ai un dessalinisateur sur mon bateau.

Je mange 3 repas par jour comme à terre + quelques encas quand j’ai une baisse de tonus parce qu’on dépense beaucoup de calories quand on navigue en course.

Pour l’hydratation j’ajoute des électrolytes dans mon eau (comme les athlètes d’endurance) pour remplacer les sels minéraux perdus par transpiration pendant les efforts physiques. D’autant plus que mon dessalinisateur enlève tous les minéraux de l’eau que je bois. Contrairement à l’eau de robinet, l’eau du dessalement ne contient aucun minéraux.

Comment faites-vous pour dormir sans que le bateau aille dans une mauvaise direction ou ait un choc ?
J’ai les systèmes de détection de collision pour éviter les problèmes (radar, AIS). S’il y a du danger, les alarmes sonnent pour me réveiller. Mon pilote automatique est programmable pour suivre soit un cap fixe, soit un angle par rapport à la direction du vent. Je programme aussi les alarmes pour m’avertir si le cap du bateau, la vitesse ou le vent changent brutalement (en gros ça sonne tout le temps !!).
J’ai aussi les alarmes si il y a de l’eau dans le bateau..(voir cette video sur la gestion du sommeil en course)

Mais, pour ne prendre aucun risque, comme mon bateau avance très vite, je dors toujours avec les pieds vers l’avant du bateau pour ne pas me blesser la tête si jamais le bateau “heurte” un objet trop petit pour être détecté ou s’engouffre dans une grosse vague. Ces incident peuvent entrainer un arrêt brutal du bateau qui projette tout ce qui n’est pas attaché vers l’avant (un peu comme un accident de voiture sauf que je n’ai pas d’airbag pour amortir le choc).

A quelle heure vous réveillez-vous quand vous êtes sur le bateau pendant la course et quand vous vous préparez à la course ?
Je dors par tranche de 10 à 30 mn pendant la course. A terre, je dors normalement environ 8-9H par nuit

Comment faites-vous pour faire vos besoins ?
j’utilise un seau et je jette le contenu à l’eau ensuite.

Comment faites-vous pour vous laver ?
Si la mer n’est pas trop froide, je me lave à l’eau de mer et je me rince après avec un petit peu d’eau douce. Si c’est trop froid, j’utilise des lingettes biodégradables et de l’eau dessalinisée.

Comment faites-vous pour vous réchauffer, vous changer ?
Il n’y a as de chauffage sur le bateau. Mais nous avons des vêtements chauds et étanches très efficaces.

Comment faites-vous si tous vos habits sont mouillés ?
Je prends des rechanges de vêtements. J’essaye de tout sécher (parfois avec la chaleur du moteur quand je l’utilise pour charger les batteries). Mais j’essaye d’éviter de me mouiller, je passe beaucoup de temps en combinaison sèche.

Comment faites-vous pour faire des photos ou pour vous filmer (sans abimer vos appareils) ?
J’utilise des appareils étanches ou des boitiers qui les protègent.

Comment faîtes-vous pour avoir de l’électricité sur le bateau ?
J’utilise des hydrogénérateurs (petites hélices sous le bateau) qui fabriquent l’électricité avec la vitesse du bateau. Je peux mettre en marche mon moteur pour produire l’électricité dont j’ai besoin pour alimenter mes ordinateurs, mon pilote automatique et le dessinateur (entres autres appareils). J’ai aussi installé des panneaux solaires.

Comment faites-vous pour recharger vos batteries ?
J’utilise le moteur qui entraine une génératrice qui produit de l’électricité ou bien les hydrogénérateurs . J’ai aussi des panneaux solaires.

Allez-vous voir des dauphins, des baleines, des poissons volants…?
En général je vois toujours des poissons volants, souvent des dauphins, plus rarement des baleines.